En novembre 1965, Solange Brand rejoint l’Ambassade de France à Pékin pour occuper un poste de secrétaire. Elle n’a pas vingt ans.
La Chine est alors coupée du monde et très peu de visiteurs étrangers – encore moins d’Occidentaux – y ont accès.
Passionnée par le monde qu’elle découvre et la rue chinoise où elle aime déambuler, elle acquiert un Pentax à Hong Kong et photographie ce qu’elle voit pour tenter de retenir des moments vécus à titre personnel – sans intention et sans savoir que le mouvement de fond qui s’annonce s’inscrira comme un épisode majeur de l’histoire chinoise.
La Révolution culturelle éclate au printemps 1966. Solange Brand voit la folie s’emparer petit à petit des rues ; les jeunes de la campagne découvrent/envahissent la ville ; plus tard, lycéens et étudiants seront envoyés à la campagne. Au début, joie, ferveur de la jeunesse, déplacements à travers le pays, espoir… puis le chaos – affrontements, lynchages, persécutions, humiliations, exécutions. On estime à plusieurs dizaines de millions les victimes de la Révolution culturelle.
Née de la conjonction du projet de Mao de reprendre le pouvoir et de la crise sociale issue du Grand bond en avant, cette période de l’Histoire – “les dix années noires” (1966-1976) – n’a toujours pas trouvé sa place dans le discours officiel et est souvent refoulée par les victimes elles-mêmes. Mémoire douloureuse, difficile transmission…
Les photos de Solange Brand ne rendent pas compte de la face sombre et des horreurs de la Révolution culturelle. “Je n’en ai pas été témoin direct, dit-elle, cette réalité n’est devenue tangible que plus tard, à mon retour en France. Comme toutes les photos, elles ne montrent qu’un fragment de réalité et ne prennent sens que légendées et remises dans un contexte.”
Regard personnel qui ne prétend pas être un reportage sur la Révolution culturelle, ces photographies constituent un document précieux : en dehors de la propagande officielle, rares sont les images en couleur évoquant cette époque.
En 2022, la Bibliothèque nationale de France fait l’acquisition de neuf photos pour figurer dans les collections publiques, sur un choix d’Héloïse Conesa, conservatrice du patrimoine chargée de la photographie contemporaine.